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Plus de 27.000 kilomètres,
douze pays traversés, six mois d'aventure dans le sillon de la Panaméricaine.
Du Mexique aux confins de l'Argentine, ce voyage mène au cœur de territoires
qui oscillent entre traditions et modernité. Première étape de grand périple
: le Mexique et l'Amérique Centrale. Une épopée à travers les siècles qui conduit
des citées en ruines, au génie technique triomphant du canal de Panama, en passant
par les villes coloniales. Un voyage hasardeux dans des pays pas très sûrs.
A l'excitation se mêle une pointe d'angoisse… |
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Colombie, si belle et mal-aimée
Royaume
des mythes, des émeraudes, des narcotrafficants et des guérillas, la Colombie
est une région du monde mal-aimée qui fait frissonner les plus aventureux. C'est
pourtant ici que commence mon épopée à travers la Cordillère des Andes qui s'élève
du Nord au Sud du continent sur plus de 7240 kilomètres. A Bogota, la capitale
nichée à 2800 mètres d'altitude, j'ai le souffle court et le cœur qui vibre
déjà de l'appel des grands espaces.
A vrai dire,
je ne suis guère rassurée et je décide de ne pas m'attarder dans ce pays.Au
moment du départ … guérilleros et paramilitaires se tirent dessus et tous les
grands axes routiers sont bloqués. Un dénommé Fox, un fou qui visite le monde
depuis la nuit des temps, me raconte sa mésaventure : " c'était la nuit… Ils
ont mitraillé le bus et l'ont réduit en miettes. Nous nous sommes sauvés dans
la nuit à travers les montagnes… " Pas de panique. Selon Fox "il suffit de patienter
et s'informer en lisant les journaux". Trois jours plus tard, le calme est revenu.
Sans plus attendre, je file vers le Sud. Dix jours dans ce pays m'auront permis
d'admirer, à travers les fenêtres des bus les magnifiques paysages de montagnes
dentelées enrobées de brume d'une Colombie où coule trop de sang.
L'Equateur au cœur
En
arrivant en Equateur on atteint la ligne de la mitad del mundo (la moitié du
monde), point de passage de l'équateur. Quiconque pénètre ce territoire se laisse
envoûter par le charme tranquille des lieux où les croissants de lune dorment
sur le dos. On est aussi fasciné par la beauté insaisissable des Indiens Quechua
qui avancent le dos courbé, la tête cachée sous leurs chapeaux. Les Quechua
sont les descendants direct des Incas, dont l'immense empire s'étendait jadis
de la Colombie jusqu'au Grand Nord chilien. Cinq siècles plus tard, leurs descendants
ont conservé des coutumes ancestrales et vivent toujours résignés face aux blancs.
C'est loin de Quito, capitale coloniale qui a vendu la moitié de son âme à l'Occident
;
sur les marchés d'Otavalo, de Cuenca, de Riobamba ou de Banos que bat le cœur
de l'Equateur. Là, valsent toutes les couleurs et les odeurs de la société andine.
Les Ponchos bariolés se mélangent aux chapeaux à plume, aux côtés d'étals de
fruits exotiques qui jouxtent des bouis-bouis où l'on mange pour trois francs
six sous. J'adore déambuler dans cette cacophonie ambiance locale. Je m'achete
un chapeau qui me vaut bien des sourires et des saluts amicaux " Holà gringa
! ". On appelle l'Equateur " l'Allée des Volcans ". Sur une ligne de 600 km,
se dressent plus de cinquante volcans et d'innombrables pics. Parmi les plus
connus : Cotopaxi (5897m), le plus haut volcan du monde et Chimborazo (6310m),
le plus haut sommet du pays. Pour
se préparer à l'ascension de ces sommets, un trekking sur les hauts plateaux,
royaume des lamas, est idéal mais nécessite une grande autonomie. La balade
au grand air débute sous le ciel bleu et le soleil et s'achève avec le vent,
la pluie, la tempête et la fatigue… C'est dur, mais on oublie toutes les peines
sur les sommets. Là haut, sur les neiges de Cotopaxi, brillent des eaux turquoise
dans le cratère du volcan endormi.
L'épopée andine se poursuit dans le petit train des Andes.
Tiré par une locomotive à vapeur, il sillonneles reliefs escarpés, conduit à
Banos, au pied du volcan
Tungurahuaqui crache d'énormes fumerolles noires, jusqu'au "Nez du Diable ",
une étrange formation rocheuse.C'est un bus déglingué qui me conduit vers le
sud, puis à l'est dans la sierra. La vieille tôle affronte avec brio les virages
en épingle et les amas de boue. Tant bien que mal, on atteint Vilcabamba, petit
village de la " vallée des centenaires ". Quelle est cette source de jouvence
qui permet aux habitants de vivre si longtemps ? Des scientifiques du monde
entier sont venus ici étudier le phénomène, mais le mystère demeure.
A
Vilcabamba, seuls quelques jeunes désœuvrés traînent sur la place de l'église.
Sans avoir trouvé la source de jouvence, je repars vers de nouveaux horizons.
En quittant l'Equateur et ses hauts plateaux, la route Panaméricaine serpente
au-dessus du vide et des nuages, puis entame une descente vertigineuse qui conduit
jusqu'au niveau de la mer à la frontière péruvienne.
Errance dans la Cordillère Blanche
Pérou.
Fuyant la canicule des villes côtières, je m'engouffre dans le premier bus en
partance vers l'est. Direction
: la Cordillère Blanche. J'arrive à Huaraz, petit Chamonix de la région. Dans
le lointain s'élèvent les pics du Huascaran (6768m), le plus haut sommet péruvien
et l'Alpamaya (5947m), dite " la plus belle montagne du monde ". Là, s'étendent
des vallées immenses où la nature toute puissante s'habille de pureté et de
grandeur. Loin des infrastructures touristiques, le trekking dans ces contrées
nécessite une certaine idée de l'engagement et de la solitude… Plus on avance
dans les montagnes, plus les villages se font rares, authentiques, et leurs
habitants méfiants envers l'étranger. A Maya, hameau à flanc de montagne, trois
fillettes terrorisées s'enfuient à mon approche. Instant bouleversant. Un vieil
homme m'explique : "ici, on grandit avec la croyance que les blancs viennent
tuer les enfants où les voler pour leur arracher les yeux. ". Au moment de mon
départ, les trois petites filles s'approchent et me demandent : " Peux-tu nous
offrir l'un des tes longs cheveux jaunes ? " Et, aussitôt, elles l'accrochent
à leurs nattes.
Des voleurs, des mystères et un
bal de condors
On
dit que Lima est la capitale des voleurs. Ouvrons l'œil dans les bus bondés,
les rues et les marchés grouillants. C'est sûr, une bonne étoile veille sur
moi ! Je vadrouille allègrement en solitaire depuis des mois dans des pays où
les mésaventures des voyageurs font légende. Pickpockets, braquages, vols dans
les bus ou les restos, pillages dans les faux taxis, etc… La liste est longue,
alors je croise les doigts…
Dans ce coin du monde, on en prend plein la vue et plein le cœur. Le jour de
mon anniversaire je survole le désert pour découvrir les mystérieuses lignes
de Nazca, ces figures tracées sur le sol qui ne peuvent être vues que du ciel.
Sous l'aile de l'avion apparaît une baleine, un chien, un perroquet, un colibri,
un singe, une spirale, un triangle, des lignes droites... et le grand condor
de 300 mètres de long. S'agit-il d'un grand livre astrologique, d'une piste
d'atterrissage pour extraterrestres, ou d'une religion centrée sur l'eau ? Nazca
n'a pas finit de faire couler de l'encre… Plus loin, la ville d'Arequipa, joyaux
espagnol en terre Inca, mérite bien un détour pour explorer le Canyon de Colca,
le plus profond au monde. Avec un peu de chance, on peut y voir voler les condors.
Aujourd'hui, les oiseaux rois se montrent au grand jour, déployant leurs ailes
majestueuses, volant et tourbillonnant dans l'azur. C'est un bal de condors
!
Au cœur de l'ancien monde Inca
Cuzco
était la capitale de l'empire Inca, et aujourd'hui encore on peut voir dans
les ruelles à angles droits ainsi que dans les fondations des bâtiments de la
magnifique ville coloniale, les gros blocs de pierre taillés des antiques constructions
Incas. 
La Vallée Sacrée des Incas recèle des sites magnifiques qui témoignent de la
grandeur passée de l'empire.
Perle de l'histoire, le mythique Machu Picchu surgit au bout du Chemin des Incas.
Effectuer cette marche à travers la forêt tropicale jalonnée de ruines, en deux
jours plutôt qu'en trois, me permet d'éviter les convois de touristes. Les journées
sont longues, mais quel bonheur de profiter de la nature et de son silence juste
troublé par les chants des oiseaux, le ruissellement d'un cours d'eau ou le
crépitement léger d'une fine pluie. A l'aube du troisième jour, dans une brume
blanche et vaporeuse, surgit Machu Picchu perché au sommet d'une crête nichée
entre deux pics rocheux. Ambiance mystique. Instant mémorable.
Jusqu'aux confins de l'Altiplano
Inti,
le Dieu Soleil se lève au-dessus de l'Altiplano. Dans cette région de hauts
plateaux qui s'étend du sud du Pérou jusqu'au sud-ouest de la Bolivie, à plus
de 3500 mètres d'altitude, le climat est froid, sec et venteux. Sur les eaux
turquoise du lac Titicaca, le plus haut lac navigable de la planète, se cachent
de petites îles suspendues entre terre et ciel.
La légende raconte que l'Ile du Soleil serait le lieu de naissancedu soleil
lui-même etque l'Ilede la Lune serait le couvent des vierges du soleil. Sur
le lac Titicaca, une ligne invisible marque la frontière entre le Pérou et la
Bolivie. On
dit que la Bolivie est le Tibet des Amériques.
Le pays est aussi le plus indien du continent avec 50% de la population constituée
de purs amérindiens aux coutumes ancestrales. Dans les rues pittoresques de
la Paz, on trouve toutes sortes de gris-gris et d'offrandes pour les dévotions
à Pachamama, la Terre Mère.
A Potosi, dans les mines qui firent jadis la richesse de l'Espagne,les travailleurs
sacrifient des lamas et offrent coca, cigarettes et whisky à Pachamama dans
l'espoir de jours meilleurs.La misère règne en Bolivie.Depuis des semaines,
je ne compte plus les heures de bus et les kilomètres. Le
principal est d'arriver à destination. Tant rêvé, tant attendu, le salar de
Uyuni est l'ultime étape de ce périple. Sillonner cette région sauvage où le
soleil aride, le vent violent et le froid dictent les lois de la nature, ressemble
à un voyage dans les entrailles de la terre. Dans l'immensité du salar de Uyuni,
mer de sel étincelante où se reflètent l'azur, le soleil et les nuages, on a
l'impression d'avancer dans le ciel. Au cœur de cette blancheur immaculée surgissent
les cactus géants d'une île qui apparaît comme un mirage. Puis,
on pénètre dans un désert ocre couronné de montagnes enneigées. Des nuages de
flamants roses passent dans le ciel et se posent sur un chapelet de lagunes
aux eaux violettes, vertes et bleues. C'est dans l'aube glaciale, que l'on découvre
des geysers bouillonnants qui crachent des volutes d'eau gazéifiées. Les confins
de l'Altiplano sont, sans aucun doute, le plus bel endroit du monde !
Texte
et photos
Idalina Pereira
Article publié dans le magasine Parfum d'extremes
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