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Dans la cordillère des Andes chiliennes, le désert d'Atacama, l'une des régions les plus arides de la planète, recèle des paysages à la beauté étrange et mystérieuse. Avec ses volcans et ses geysers, ses hauts plateaux désertiques, et ses hommes, des indiens, ignorées du monde, l'Atacama est un univers immuable, comme hors du temps.

San Pedro d'Atacama, 2 440 mètres au-dessus du niveau de la mer. Qu'il fait bon poser ses valises dans la petite oasis plantée au cœur du désert qui se consume sous la fournaise d'un soleil incandescent. En ces lieux, de mémoire d'homme, on ne se souvient que de deux pluies : l'une en 1882, l'autre en 1965. C'est dire à quel point tout semble immuable dans le village colonial à l'église blanche et aux vieilles maisons en adobes - briques faites d'un mélange de boue et de paille séchées - où des chiens sans colliers somnolent aux coins des ruelles en terre battue, juste ombragées par quelques lauriers-roses. Le charme de ces lieux où la quiétude a force de loi, séduit, depuis une dizaine d'années, la jeunesse chilienne. Certains retapent une maison, d'autre ouvrent un bar ou un restaurant, une agence de voyage ou un cyber-café. Qu'ils soient du cru ou voyageurs, qu'ils viennent pour une semaine, un mois ou une année, tous succombent à la magie de cet univers où la nature est toute puissante.
Là-bas, au fin fond du désert, se niche la légendaire Vallée de la Lune, un somptueux chaos d'étranges silhouettes rocheuses qui forment un paysage lunaire surréaliste. Un groupe de randonneurs arpente les dédales de blocs de pierre tombés du ciel, puis s'enfonce dans le sable doré. Une à une, les silhouettes gravissent la crête d'une ultime dune pour assister au spectaculaire soleil couchant.

Les regards se perdent dans les confins du désert teinté d'ocre et de pourpre, tel un enfer somptueux conduisant dans un voyage intérieur, dans le monde des sentiments. Le brasier s'éteint doucement avec le soleil qui finit de disparaître, pour que naisse une nuit fraîche où les étoiles brillent comme nulle part ailleurs dans l'hémisphère.
Depuis la nuit des temps, Inti, le Dieu du soleil, règne sur ces contrées qui dressent des univers fantastiques de volcans, geysers, dunes et lacs de sel. Tel un mirage, des flamants roses déambulent à perte de vue dans l'immensité du Salar (lac salé) d'Atacama. Ce désert blanc, résultant de l'évaporation de l'eau sous l'effet de la chaleur, laisse en dépôt un sel gemme et représenterait près de la moitié des réserves mondiales de lithium. Les montagnes offrent l'eau que le ciel refuse obstinément, irriguent le salar et des cours souterrains qui permettent tout juste quelques cultures et l'étanchement de la soif quotidienne. Plus loin, seul les cactus ont encore droit de citer.
Pas surprenant, dés lors, que les anciens, des chasseurs nomades venus du détroit de Beïring il y a douze milles an, aient cru au génie du lieu, quand l'eau jaillit soudain, bouillante, des geysers du Tatio. A 4 500 m d'altitude, ces geysers sont les plus hauts du monde. Pour atteindre ces lieux, le véhicule quitte San Pedro bien avant l'aube et bringuebale pendant une éternité en direction de la chaîne montagneuse.
A l'horizon se dessinent les sommets du Sairecabur (6 100m), du Lascar (5 400m), volcan actif dont les fumerolles de soufre s'échappent dans les airs, et aussi le cône parfait du Licancabur (5 900 m) baptisé par les Indiens " Dieu le père des peuples ".
La route se hisse sans fin sur la terre ocre, juste parsemée de folles herbes dorées nommées " paille brave ". De temps à autre apparaît la silhouette furtive d'une vicogne (famille des lamas) dont le troupeau farouche s'éparpille à la moindre alerte. Aux premières lueurs de l'aube, par 20 degrès au-dessous de zéro, apparaissent les geysers.Le froid mord la peau, paralyse les pieds et les mains.

Dans l'air glacé, une trentaine de geysers éparpillés entre les volcans, tels des cratères en ébullition, attendent le réchauffement de la terre pour cracher leurs volutes d'eau gazéifiées. Ce qui suit est grandiose : c'est la confrontation de la glace et du feu ; l'union des entrailles de la terre et du ciel. Soudain, jaillissent des trombes d'eau bouillonnante qui s'évaporent en immenses fumerolles blanches et disparaissent dans les cieux. Un spectacle de création du monde !
Grâce à la manne divine coulée des hauts sommets andins, l'homme su, jadis, s'incruster dans cette nature trop grande et trop rude pour lui. On comprend alors pourquoi le peuple Atacamenos vécu avec le culte des sommets. Aujourd'hui encore les Indiens vénèrent Pachamama, la Terre Mère. Chaque 21 décembre, au solstice d'été, une partie de la population de San Pedro, gravit les sommets des montagnes pour communiquer avec les dieux. Et tant que Pachamama continuera de verser ses larmes, l'homme succombera à la rude magie du désert d'Atacama.

Texte et photos
Idalina Pereira

Article publié dans le magasine Revista Latina

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