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On dit que le canyon de Colca est le plus profond canyon du monde... Au cœur de la cordillère des Andes, dans le sud du Pérou, ce site doté d'un écosystème unique est le royaume des condors et témoigne d'une culture humaine immémoriale. Après l'incontournable Machu Picchu, cette destination est aujourd'hui l'une des plus prisées du pays.

La piste sillonne sans fin l'altiplano aride. Au passage du véhicule, un troupeau de lamas s'éparpille, tandis que, plus loin, quelque vicognes solitaires déambulent inlassablement au pied du majestueux volcan Misti (5822 m) dont le cône immaculé scintille dans l'azur.
Une seule route conduit à la vallée de Colca. À partir d'Arequipa, la " Ville Blanche ",la deuxième agglomération du Pérou avec ses 800 000 habitants, la route grimpe jusqu'à une altitude d'environ 5000 m, serpente les reliefs escarpés, passe un col parsemé de cairns sur fond de sommets andins, avant d'entamer une descente vertigineuse vers la vallée Colca. Après trajet d'environ de cinq heures, on atteint Chivay, pittoresque petite ville située à 3700 m d'altitude. Chivay est le point de départ des multiples excursions qui conduisent inexorablement vers l'impressionnant Canyon Colca où l'on peut voir les condors des Andes. C'est d'ailleurs ces deux sujets qui attirent de plus en plus de visiteurs dans la région. Un engouement qui date de tout juste quelques années, depuis la diminution de la violence dans le pays grâce à l'arrestation des principaux leaders du Sentier lumineux. Mais il semble bien que tout cela appartienne désormais au passé.

Le canyon et les condors

Certains disent de cette région qu'elle possède le plus profond canyon au monde. Sans faire de polémique, on peut quand même affirmer qu'il est parmi les plus profonds. Ce canyon, c'est le Canyon Colca, du nom de la rivière qui coule en contrebas. Situé entre 200 et 800 m d'altitude, la trouée creusée par le Rio Colca près de la petite localité de Cabanaconde atteint 60 km de largeur et 3400 m de profondeur depuis le fond du canyon jusqu'au sommet du volcan qui le surplombe.Grâce à son inaccessibilité, les parois verticales du canyon protègent un écosystème unique et vierge de toute intervention humaine.
C'est au belvédère appelé la " Cruz del condor ", que la vue sur le canyon est la plus impressionnante : un à-pic vertigineux de 1200 m ! Dans cet antre, on ne peut manquer d'admirer, on l'aura deviné, le magnifique condor des Andes. L'oiseau roi, niche sur les falaises du canyon peut être observé, tôt le matin, lorsqu'il prend majestueusement son envol. Si certain jour, il reste invisible il est parfois possible de les voir en nombre, planer, tourbillonner et plonger dans le vide. On a alors l'impression d'assister à un bal de condors. C'est sans doute parce qu'il fait environ trois mètres d'envergure, qu'il est capable de survivre quatorze jours sans manger et que ses yeux sont huit fois plus perçants que l'œil de l'humain, que le condor des Andes a été vénéré depuis la nuit des temps par les populations indiennes.

Les richesses de l'histoire

Avec ses vestiges archéologiques, ces montagnes taillées en terrasses de culture et ces villages coloniaux, la vallée de Colca conduit à travers des siècles d'histoire.
La vallée fut initialement peuplée et développée par l'ethnie des Collahua, qui furent de grands agriculteurs utilisant des canaux d'irrigation et pratiquant les cultures en terrasses. Ce système de fut par la suite assimilé par les Incas. Alors qu'au Machu Picchu, l'agriculture en terrasses appartient depuis plusieurs siècles au passé, dans la vallée de Colca, elle représente toujours près de 60 % des terres cultivées. À certains endroits, les pentes sont tellement abruptes qu'on se croirait devant des escaliers géants, tandis que d'autres lieux évoquent littéralement d'immenses amphithéâtres.
Trois grands groupes ethniques peuplaient jadis la région : les Collahuas, les Cobanas et les Thiahuanacos. Les Collahuas pratiquaient la déformation des crânes (la tête des nouveau-nés était bandée afin de donner au crâne la forme d'un cône ou de l'aplatir). Ils cherchaient ainsi à représenter la forme des montagnes qu'ils honoraient et dont ils étaient originaires par leurs croyances.
Par ailleurs, la vallée abrite des traces de culture préhistorique. Dans d'importants abris (sortes de petites grottes) ont été découverts des peintures et gravures de plus de 7000 ans, représentant de scènes de vie familiale, des animaux (bovins, lamas,etc.) des figures humaines, des représentations astrales avec le soleil, lacroix du Sud, des oiseaux et de nombreuses autres figures, qui prouvent une présence humaine, durant plus de mille ans, qui laissa des traces de son existence.
A l'époque des Incas la production agricole, essentiellement le maïs, fut si importante que même les récits narrent que le roi Mayta Capac eu une épouse Collahua, pour qui fut construit un palais dans la communauté de Coporaque, non loin de Chivay.
Puis virent les conquistadors qui firent de la vallée une importante région minière. Le résultat en fut la formation de quatorze communautés, chacune parée de belles églises à l'architecture coloniale, de ruelles rectilignes bordées de maisons basses et de grandes Plazzas pavées comme à Yanque, Achoma, Maca et autres villages qui jalonnent la vallée.

Du feu et de l'eau

C'est assurément la présence à proximité de nombreux volcans à l'activité souterraine intense qui donna à la vallée de Colca le nom occasionnellement de " Vallée du Feu ".
Depuis Chivay, on peut voir le volcan Sabancaya, actuellement en activité, que lance chaque jour dans les airs des petits nuages de fumée blanche. Juste à côté du Sabancaya, le volcan Ampato est célèbre. Une expédition, allant au sommet de celui-ci pour mieux photographier le Sabancaya, fit une découverte exceptionnelle : une momie vieille d'environ 500 ans. Cette momie serait l'une des mieux conservées d'Amérique du Sud.
Au niveau du sol, quelques geysers et une multitude de sources d'eaux thermales où viennent gaiement se baigner les uns et les autres, témoignent de la particularité géologique de la région. On se demande alors comment les anciens purent s'incruster dans cet environnement pour y vivre. En plus d'avoir eu à adapter leurs pratiques agricoles à ces reliefs accidentés, ils durent également apprendre à maîtriser les rares sources d'eau pour irriguer leurs terres. On comprend bien, dès lors, pourquoi depuis des temps lointains, les Indiens d'ici disent que
" l'eau, c'est le sang de la terre ".

Des ethnies aux costumes traditionnels

Une ambiance intemporelle flotte sur les villages, comme si le temps n'avaient pas de prise sur la vallée et ces habitantsvêtus de costumes traditionnels. On ne peut manquer d'admirer les magnifiques vêtements arborés par les femmes. Spécifiques de la Vallée de Colca, ces tenues, bien différentes de ce qu'on peut voir ailleurs au Pérou, sont dignes des plus belles princesses. La parure se compose d'une longue jupe de couleur vive brodée dans le bas, ornée d'une blouse, également brodée à l'avant et aux manches, assorti d'un " chaleco " (gilet sans manches) brodé en entier et, enfin, d'un chapeau qui diffère selon le groupe ethnique. Les broderies représentent les fleurs et les oiseaux de la région. Si l'on a d'abord l'impression qu'il s'agit de tenues de fête on comprend bien vite qu'au contraire ces vêtements sont à la fois traditionnels et quotidiens : on les porte même pour travailler dans les champs. Certaines femmes paradent avec leurs jeunes enfants sur les Plazzas, afin de troquer une photo à un touriste contre quelques soles, tandis que d'autres ont installé des étalages de souvenirs au bord de la route entre deux villages. Le tourisme apparaît comme une manne providentielle pour les villageois. Et si l'on vient dans la vallée de Colca pour son canyon et ses condors, on en part enrichit de l'inoubliable spectacle de ces femmes vêtues de leurs costumes multicolores !


Textes et photos
Idalina Pereira

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